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Crème brûlée : recette d’origine selon Le Cuisinier Royal et Bourgeois de François Massialot (1691)
Crème brûlée : recette d’origine selon Le Cuisinier Royal et Bourgeois de François Massialot (1691)
Telle qu’elle apparaît dans Le Cuisinier Royal et Bourgeois de François Massialot, 1691
Tour de phrase à la Louis XIV pour annoncer ton dessert :
« Voici une crème fraîchement prise, adoucie de sucre et de cannelle, que j’ai fait brûler à la pelle rouge, selon la méthode du Cuisinier Royal & Bourgeois. »
Ou encore :
« Messieurs et Dames, veuillez goûter à cet entremets délicat, un mets de crème doucement infusée, surmonté de croûte caramélisée, tel qu’on l’appréciait à la cour du Roi-Soleil. »
Recette d’époque (1691) – texte d’origine
« Prenez de la crème fraîche, faites-la bouillir avec un peu de sucre et un bâton de cannelle. Lorsqu’elle a bien bouilli, mettez-y des jaunes d’œufs, selon la quantité que vous en voudrez faire. Battez bien le tout ensemble, sans le faire bouillir, & mettez ensuite dans un plat d'argent ou d'étain. Quand elle est bien prise, & qu'elle est froide, jetez par-dessus du sucre en poudre, & le faites brûler avec une pelle rouge, afin que le sucre fasse croûte. On la sert ainsi. »
À propos de la crème brûlée
Si la crème brûlée évoque aujourd’hui l’élégance discrète de la table française, ses origines n’en demeurent pas moins disputées. Comme nombre de mets anciens, elle semble le fruit d’une lente maturation culinaire, partagée entre plusieurs cultures européennes.
La France peut s’enorgueillir d’en avoir offert la première trace écrite, en 1691, sous la plume de François Massialot, maître queux du Grand Siècle. Il y décrit une crème sucrée, doucement infusée à la cannelle, que l’on fait « brûler à la pelle rouge » pour former, en surface, cette fine croûte caramélisée si singulière. Ce geste, à la fois savant et spectaculaire, participait alors de l’art de la table sous Louis XIV.
Mais déjà, en Espagne, la crema catalana se savourait depuis le XVe siècle : une crème au lait parfumée de citron et de cannelle, épaissie à la flamme, puis caramélisée d’un fer ardent. En Angleterre, la tradition de la Trinity Cream, servie à Cambridge au tournant du XVIIIe siècle, reprend elle aussi ce principe de sucre brûlé, avec une crème plus riche et plus douce.
Ainsi, la crème brûlée ne naît pas d’une seule terre, mais s’inscrit dans un héritage commun — celui de ces crèmes onctueuses, patiemment mijotées, que l’on retrouve de l’Andalousie aux Flandres. Ce sont sans doute les cuisines nobles de France qui lui offrirent son nom et sa forme codifiée, mais son âme, elle, est résolument européenne.
Notre Crème brûlée façon 1691 (recette historique adaptée)
Ingrédients (pour 4 personnes) :
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50 cl de crème crue entière (ou crème fraîche fermière non pasteurisée si possible)
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80 g de sucre de canne brut (sucre roux non raffiné ou rapadura / muscovado)
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1 bâton de cannelle (pas de vanille, elle était très rare et exotique en France en 1691)
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5 jaunes d’œufs de poules élevées en plein air (œufs de ferme, si possible)
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Un peu de sucre brut supplémentaire pour la croûte
Matériel traditionnel (ou équivalent moderne) :
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Plat en étain, cuivre, ou métal argenté (ou plat métallique ou céramique épaisse)
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Pelle à braise ou fer plat chauffé (ou chalumeau à gaz si nécessaire)
Préparation :
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Faites chauffer doucement la crème dans une casserole avec le sucre brut et le bâton de cannelle fendu. Portez juste à ébullition, puis laissez infuser 10 à 15 minutes hors du feu.
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Pendant ce temps, séparez les jaunes d’œufs et battez-les légèrement dans un grand bol (ne pas faire mousser, juste homogénéiser).
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Retirez le bâton de cannelle de la crème, puis versez lentement la crème chaude sur les jaunes, en remuant sans fouetter, pour ne pas les cuire.
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Versez la préparation dans un plat en métal ou plusieurs ramequins (dans l’esprit du plat d’argent ou d’étain mentionné).
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Laissez reposer à température ambiante plusieurs heures (comme à l’époque, où l’on n’avait pas de réfrigérateur) jusqu’à ce que la crème soit bien prise. Si la texture ne prend pas bien (selon la qualité des œufs et de la crème), tu peux poser les plats dans un four tiède (~90–100 °C) au bain-marie 30–40 min, mais ce n’était pas décrit dans la version originale.
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Quand la crème est bien ferme et refroidie, saupoudre généreusement de sucre brut sur le dessus.
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Faites chauffer un fer plat ou une pelle en métal au rouge (dans la braise ou sur une flamme) et applique-le brièvement sur le sucre pour le faire caraméliser sans brûler la crème.
Remarques historiques :
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À cette époque, la notion de cuisson précise n’existait pas : tout se faisait à l’œil et au toucher.
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On ne cherchait pas une crème ferme comme aujourd’hui, mais plutôt une texture mi-prise, comme une crème anglaise épaisse.
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La caramélisation était un geste d’apparat, souvent effectué en salle, devant les convives nobles.
Suggestion d'accompagnement (historique) :
À l’époque, un dessert pouvait être accompagné d’un vin liquoreux comme :
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Vin de muscat (très apprécié à la cour)
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Vin de Chypre ou de Malaga
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Ou même une eau de vie aromatique servie en très petite quantité